LE SYMPOSIUM DES ONG SUR LA QUESTION DE LA PALESTINE
Organiseé par les Nations Unies
Notes pour une allocution de M. Andrew
Robinson
Directeur général, Coordination du processus
de paix au Moyen-Orient et président du Groupe
de travail sur les réfugiés
New York, le 25 juin 1996
(Sous réserve de modification)
Madame la présidente, éminents délégués
et invités, Mesdames et Messieurs,
C'est vraiment un honneur pour moi d'accepter votre
aimable invitation de prendre part aux débats
de ce symposium. Il est de plus en plus évident
que les ONG ont un rôle vital à jouer
pour promouvoir le processus de paix, et qu'il est
par conséquent essentiel que nous, qui nous
occupons de la partie dite officielle du processus,
nous tenions rigoureusement au courant de ce que vous
faites sur le terrain. À mon avis, il existe
des synergies, dont nous n'avons pas profité
pleinement, qui ont besoin d'être développées
en ce qui concerne les travaux du Groupe de travail
sur les réfugiés et ceux des ONG dans
la région. Je reviendrai sur cette question
plus tard dans mon allocution pour vous donner plus
de détail.
Étant donné la responsabilité
du Canada en tant que président du Groupe de
travail sur les réfugiés (GTR), je voudrais
vous mettre au courant des activités du GTR
au cours de ces derniers mois et parler un peu de
certaines des futures orientations du groupe. Comme
le savent la plupart d'entre vous, le Groupe de travail
sur les réfugiés, comme les autres groupes
de travail du processus multilatéral, a été
établi pour compléter les négociations
bilatérales et pour régler les grands
problèmes régionaux dont la solution
nécessite une action coordonnée et l'aide
de la communauté internationale. Nous y parvenons
en améliorant les conditions de vie actuelles
des réfugiés et des personnes déplacées
sans préjudice de leurs droits et de leur statut
futur, en facilitant et en augmentant la possibilité
de réunification des familles et en appuyant
le processus visant à trouver une solution
viable et globale à la question des réfugiés.
Depuis un certain temps, nous organisons les travaux
du GTR selon plusieurs thèmes individuels qui
ont été définis à nos
premières réunions et dont certains
pays ont accepté d'assumer la responsabilité
en tant que "guides" du Groupe de travail.
Ces thèmes sont les bases de données,
pour lesquelles la Norvège joue le rôle
de guide, l'aide sociale à l'enfance, pour
laquelle la Suède est le guide, le développement
des ressources humaines, la création d'emplois
et la formation professionnelle, pour lesquels les
États-Unis sont le guide, l'infrastructure
sociale et économique, pour laquelle l'UE est
le guide, et la réunification des familles,
pour laquelle la France est le guide. En outre, lors
du Comité multilatéral d'orientation
qui a eu lieu l'année dernière, la Suisse
a été désignée pour jouer
le rôle de conseillère auprès
des coparrains de la dimension humaine dans les cinq
groupes de travail, notamment le GTR, à savoir
une sorte de rôle de super guide.
Le GTR a tenu une importante réunion plénière
couronnée de succès, qui a eu lieu en
décembre dernier, à Genève. Cette
réunion a été constructive et
productive et nous a permis de faire le point sur
les événements qui se sont produits
depuis la réunion précédente,
d'établir en grande mesure un accord entre
les parties et de planifier les futures activités
du GTR. À mon avis, il est évident que
celui-ci a joué un grand rôle dans l'accroissement
de la confiance entre les parties qui ont participé
aux négociations bilatérales. Cette
confiance accrue a conduit à une prise de conscience
croissante qu'il était vraiment possible que
nous joignions nos efforts pour trouver des activités
bénéfiques à tous. Nous sommes
maintenant en train de mettre sur pied une initiative
de ce genre, dont je parlerai un peu plus tard.
Un certain nombre d'activités ont été
mandatées à la réunion plénière
de décembre dernier, notamment les suivantes
: une mission du président en Jordanie, une
mission du président en Cisjordanie et à
Gaza, un colloque intersessions sur l'adaptation en
Cisjordanie et à Gaza, des réunions
intersessions sur les bases de données, la
réunification des familles, et la santé
publique, et une mission du président au Liban.
L'une des premières activités officielles
du GTR depuis la réunion plénière
a été la mission du président
dans les camps de réfugiés de la Jordanie,
que j'ai dirigée le mois dernier. Le but de
cette mission était de consulter des réfugiés
dans cinq camps de Jordanie et de discuter des problèmes
avec les autorités jordaniennes. La mission
a montré l'importance qu'attache la communauté
internationale au dialogue et à la transparence.
Le processus multilatéral étant un
complément des négociations bilatérales
qu'il soutient sans s'y substituer, nous avons été
envoyés en mission pour écouter le point
de vue des réfugiés et pour engager
un dialogue avec eux, et avec le gouvernement jordanien,
au sujet des travaux du GTR et de ce qu'il devrait
faire pour améliorer la situation humanitaire
actuelle et préparer l'avenir.
Cette mission est arrivée à point nommé
puisqu'elle s'inscrit dans le cadre de l'ouverture
de pourparlers sur le statut permanent entre l'OLP
et Israël. Du côté palestinien,
nous avons rencontré des résidents de
cinq camps en Jordanie ainsi que d'autres Palestiniens.
Du côté jordanien, nous avons rencontré
le prince héritier Hassan et des officiels
du ministère des Affaires palestiniennes. Bien
entendu, nous avons également eu des rencontres
et des séances d'information avec l'UNRWA.
La mission se composait de représentants de
l'Union européenne, du Maroc, de la Suisse,
du Japon et des États-Unis, ainsi que du Canada.
Nous préparons maintenant un rapport que nous
soumettrons à la prochaine réunion plénière
du Groupe de travail. Je crois que ce rapport sera
très utile pour guider nos stratégies
de développement de projets en faveur des réfugiés
palestiniens en Jordanie ainsi que les activités
du Groupe de travail concernant ce pays.
Passons maintenant à la Cisjordanie et à
Gaza. Sans doute êtes-vous conscient du fait
que le GTR s'est surtout intéressé à
la situation des réfugiés qui se trouvent
à l'extérieur de la Cisjordanie et de
Gaza. Je tiens à vous assurer qu'il n'y a pas
de changement de cap. Mais nous n'ignorons pas pour
autant que la Cisjordanie et Gaza sont le théâtre
d'une rapide mutation. À la réunion
plénière de décembre dernier,
il a été convenu de focaliser notre
action pour faire face à ces changements accélérés.
Nous nous attelons à cette tâche avec
la collaboration de l'Autorité palestinienne
et des autres principaux intervenants du GTR. Le terme
adaptation est celui qui a été retenu,
et choisi avec le plus grand soin, pour décrire
cette orientation.
Le choix du terme était important parce que
nous voulions que la formulation de notre approche
soit acceptable par les parties tout en évitant
de causer le moindre tort aux droits palestiniens.
La réunion plénière du GTR ne
laissait aucun doute à ce sujet, et tous nos
travaux ont été guidés par ce
principe fondamental. L'approche adoptée devait
aussi être structurée de façon
à nous permettre d'épauler de notre
mieux l'Autorité palestinienne en l'aidant
à raffermir et à exercer ses pouvoirs
en tant que gouvernement autonome.
Le concept d'adaptation doit nous servir de cadre
pour formuler des stratégies qui aident les
Palestiniens de la Cisjordanie et de Gaza à
faire face au changement. Le terme adaptationÊ
ne définit pas la nature ni la direction du
changement; il sert simplement à concevoir
des façons de relever les défis posés
par le changement, quels qu'ils puissent être.
Le rythme et la nature du changement en Cisjordanie
et à Gaza seront avant tout influencés
par les décisions que devront prendre les parties
dans le cadre de leurs négociations bilatérales
permanentes, qui s'inscrivent dans le contexte des
négociations sur le statut permanent. Le GTR
est prêt à user de tous les moyens dont
il dispose pour aider les parties à ces négociations,
dans la mesure où les parties jugeront utile
notre contribution. C'est là l'une des conclusions
évidentes qui ont découlé de
la réunion de coordination que nous avons tenue
à Rome au début mai.
La rencontre de Rome était une première.
C'était en effet la première fois que
nos réunions de coordination débordaient
le cadre traditionnel des réunions des guides
pour inclure également les quatre parties régionales
et les coparrains. Nous nous y sommes consacrés
à coordonner l'énorme tâche assignée
lors de notre plénière de Genève
et à explorer l'orientation possible des activités
du GTR au cours des deux ou trois prochaines années.
Nous avons pu à cette occasion nous livrer
à une réflexion créatrice, quoique
réaliste, sur les travaux futurs du Groupe.
Aucune décision exécutoire quant à
l'avenir n'a été prise lors de cette
réunion - là du reste n'était
pas notre intentionÊ- mais certains points
cruciaux se sont dégagés.
- L'ensemble des participants ont reconnu la nécessité
d'une complémentarité entre le GTR et
les négociations bilatérales.
- Ils ont constaté un rapprochement des sujets
abordés par le GTR, le Comité quadripartite
et les parties aux négociations sur le statut
final.
- Il a aussi été reconnu que si nous cherchions
à dégager un consensus quant à
des plans d'action futurs, nous devrions être
réalistes pour ce qui est de leur faisabilité.
- Il ne faut pas perdre de vue que le GTR doit compléter
et soutenir les négociations bilatérales.
- Enfin, il a été admis que le début
du volet des négociations entre Israël
et l'OLP sur le statut permanent avait ouvert des
portes permettant au GTR d'apporter son concours.
Sur l'initiative du Canada, les participants à
la rencontre ont aussi discuté de la situation
des réfugiés palestiniens au Liban et
de la nécessité, pour les pays donateurs,
de trouver des façons d'aider ces réfugiés,
soit par des dons spécifiques à l'UNRWA
ou par d'autres moyens. Les membres présents
ont aussi unanimement appuyé le maintien de
la pratique voulant que le président du GTR
renseigne les gouvernements de la Syrie et du Liban
sur l'évolution des dossiers du GTR.
Nous avions aussi convenu, à l'occasion de
cette rencontre de coordination, d'une date en vue
de la tenue de l'atelier intersessions sur l'adaptation,
lequel devait avoir lieu début juin. Malheureusement,
en raison des difficultés éprouvées
par un certain nombre de délégations
à trouver des spécialistes adéquats
en matière d'adaptation susceptibles de participer
à cet atelier ou même, tout simplement,
à envoyer des représentants en vue de
prendre part à cet atelier, nous avons décidé
de reporter cette activité.
Nous ne renonçons cependant pas au concept
d'adaptation, qui, nous en sommes convaincus, se révélera
d'une grande utilité pour modeler le processus
d'élaboration de projets et de formulation
de politiques à l'égard de la Cisjordanie
et de Gaza dans les divers champs d'intervention du
GTR. La gestion de l'adaptation au changement sera
importante pour l'Autorité palestinienne et
tous les résidents de la région ayant
à faire face aux répercussions liées
à l'évolution de la situation. Cela
englobe aussi bien les résidents de longue
date que ceux récemment de retour et les anciens
détenus ou encore les personnes de passage
dans les camps, les parents inquiets des nouveaux
problèmes de surpopulation dans les écoles,
ou les jeunes fondant un foyer dans des circonstances
les obligeant à s'éloigner de leur famille.
Toutes ces personnes sont à la fois des facteurs
de changement et des victimes du changement. Le GTR,
qui se veut tourné vers l'avenir et non vers
le passé, devra être en mesure d'appuyer
sa contribution à cette adaptation pour ce
qui concerne les réfugiés.
Dans l'intervalle, le GTR a tenu une autre activité
- une rencontre intersessions sur les bases
de données - à Oslo, il y a deux
semaines. Cette rencontre s'est déroulée
dans un climat très positif et très
constructif, et a atteint son but, qui était
d'aider le responsable norvégien à faire
état des progrès accomplis et à
cerner des orientations en vue de la poursuite des
activités relatives aux bases de données.
J'aimerais mentionner quelques mots au sujet de la
situation des réfugiés palestiniens
au Liban et en Syrie. Je crois qu'il est juste de
dire que lors de la séance plénière
du GTR qui a eu lieu en décembre, la situation
critique des réfugiés au Liban a retenu
l'attention plus que celle de tout autre groupe. Malheureusement,
les gouvernements de la Syrie et du Liban ne participent
pas aux travaux du GTR, ce qui restreint notre capacité
de nous attaquer aux problèmes de façon
globale. Néanmoins, la séance plénière
du GTR nous a permis de réitérer notre
engagement en vue du maintien d'un dialogue aussi
bien avec les gouvernements de la Syrie et du Liban
- ce que nous avons réussi à
accomplir - qu'avec les communautés
palestiniennes qui s'y trouvent, un autre objectif
que nous avons pu atteindre.
À la demande de la plénière,
je me suis rendu en Syrie et au Liban peu de temps
après notre réunion de décembre
pour rencontrer les représentants du gouvernement
et visiter les camps de réfugiés. Au
Liban, la situation des Palestiniens m'a causé
de vives inquiétudes, tant du point de vue
humanitaire et économique que civil. J'ai fait
part des préoccupations des Palestiniens au
gouvernement du Liban. J'espère que les autorités
libanaises trouveront le moyen d'alléger leur
sort en dépit des nombreux fardeaux que les
événements récents ont imposé
au gouvernement et au peuple libanais.
Bien que le GTR maintiendra son engagement au Liban
et en Syrie, il n'est pas question d'ordres du jour
secrets ni de compromettre les résultats des
négociations entre les parties. Nous souhaitons
appuyer les autorités libanaises et syriennes
ainsi que les réfugiés palestiniens
et les aider à résoudre les problèmes
et à assurer une aide humanitaire.
Je ne saurais mentionner l'aide humanitaire apportée
aux réfugiés palestiniens sans rendre
hommage à l'UNRWA, dont le travail au Liban
s'est avéré essentiel, plus que partout
ailleurs. Au Liban comme dans les autres pays où
ils ont des opérations, l'UNRWA et le GTR coopèrent
étroitement à toutes les facettes de
notre travail, en particulier à l'élaboration
et à la mise en oeuvre des projets.
Par leur vitalité, les ONG joueront un rôle
essentiel à la mise en place d'une société
civile dynamique pour les réfugiés palestiniens
en Cisjordanie et dans la péninsule de Gaza,
de même que dans la plupart des pays d'accueil.
Les ONG de la région et d'ailleurs ont bien
coopéré avec le GTR. Tout comme l'UNRWA,
les ONG ont joué un rôle indispensable
à la prestation des services et à la
mise en oeuvre des projets au Liban.
Alors que nous avons centré nos efforts sur
l'adaptation ces derniers mois, la fréquence
de nos consultations avec les ONG n'a cessé
d'augmenter. Au cours de la prochaine année,
je chercherai à obtenir une participation plus
directe de la part des représentants des ONG
à certaines de ces discussions.
Je vous invite aujourd'hui à réfléchir
à l'adaptation et à considérer
les moyens qui, selon vous, devraient être mis
en oeuvre pour la développer. Dans le contexte
des thèmes du GTR - études à
partir de bases de données, réunification
des familles, santé publique, bien-être
des enfants, développement des ressources humaines,
infrastructures sociale et économique -
je vous invite à me faire part de vos réflexions
sur les moyens à mettre en oeuvre pour que
les efforts que nous déployons aident les réfugiés
et les autorités responsables à relever
les défis que posent le changement.
En guise de conclusion, je voudrais vous parler de
l'ensemble du processus de paix. Le travail ardu qui
a marqué le processus de paix a permis de réaliser
des percées sans précédent et
irréversibles. Le processus a aussi, bien sûr,
connu des ratés. Nous avons connu des moments
d'espoir et d'optimisme débordants, mais aussi
dû à des événements tragiques
des désagréments et des déception.
Il ressort néanmoins que les parties régionales,
à l'instar du reste de la communauté
internationale, ont toujours pu, en dépit des
vicissitudes, prendre appui sur le fait que la paix
constitue la seule solution et que l'instauration
d'une paix durable doit s'imposer comme objectif commun.
Le processus multilatéral a, à maintes
occasions, démontré sa capacité
de maintenir l'impulsion du processus de paix dans
les moments où le processus bilatéral
s'est essoufflé. Je crois que le Groupe de
travail sur les réfugiés, surtout, en
raison de la nature délicate et humanitaire
de son mandat et de son lien étroit avec les
dossiers des négociations sur le statut final
des réfugiés, continuera de jouer un
rôle indispensable et exigeant.
Permettez-moi de vous redire quel plaisir j'éprouve
à me trouver encore une fois parmi vous ici
aujourd'hui, et d'ajouter qu'il me tarde d'entamer
nos discussions.
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